Mardi 26 mai, sous les ors d'un hôtel ultraluxe avenue Franklin Roosevelt à Paris, le pauvre Caryl Ferey a encore chopé un prix : le prix ELLE du polar. Décidément, cette épidémie de chtouille ne le quitte pas. C'est son 87e prix pour "Zulu" (sauf erreur).
Après deux brefs (heureusement) discours dans lesquels on nous a rappelé qu'il y a 40 ans le prix ELLE a été fondé pour aider la littérature et les écrivains (dont certains et certaines navrants ont été très revendiqués : ta Tata, pourtant, à leur place ne s'en vanterait pas), le beau Caryl a bredouillé quelques mots dont on n'a rien compris. Faut dire qu'il était épuisé (il a dû rencontrer des lectrices de ELLE et devoir formuler en phrases courtes pour qu'elles comprennent est harassant), il avait faim, il avait soif et il faisait très chaud (les vieilles peau imbues et vulgaires de la mode et les vieux beaux las et lassants de l'édition, plus des centaines de pique-assiettes mondains et autres attaché(e)s de presse surexcité(e)s : ça dégage de la chaleur animale).
Caryl a gagné un peu de nourriture et un magnum de champagne (photographie du haut) : bref, de quoi tenir un jour ou deux en rationnant... (les droits d'auteurs issus des ventes consécutives ne tomberont que très tard -ça nécessite tout un jonglage). Pour l'occasion il avait sorti ses chaussures argentées et acheté des cigarettes à bout dorés.
Ta Tata a pu croiser des gens qu'elle croyait morts (on les voit parfois à la télé, mais on ne sait jamais si ce ne sont pas des images de synthèse), mais qui en fait sont étonnamment bien morts-vivants : Picouli, Rafaël Sorin, Benoîte Groult... La gagnante du roman féminin, Claudie Gallay, auteure à succès avec "Les Déferlantes", impeccable institutrice si mignonne et simple qu'on l'aurait dit castée, est repartie tardivement avec un fort tangage et du remous, le pied marin peu assuré. On peut écrire de la littérature avec phare breton en couverture, mais n'en être pas moins sensible au roulis. Gageons que l'iode le lendemain matin lui aura donné un fort mal de tête. Il y avait aussi quelques figures du polar, dont un jeune éditeur immature qui fait finalement un peu pitié tant il est pris dans son personnage de faux rebelle punkoïde, une traductrice oscillante qui a menacé ta Tata de lui "péter la gueule" si elle racontait des trucs sur elle...
Enfin, c'était sympa... Vers minuit, dans le métro, Caryl a pu exhiber son sac de dame du magazine de la femme moderne si concernée, faisant l'envie de quelques usagers de la régie autonome des transports parisiens. Il était tard, l'open bar avait été pillé avec conscience et une parfois effarante avidité de la part de chantres autoproclamés du bon goût (et d'où sort toute cette débauche hallucinante de fric ?) : aussi personne n'avait plus de raison de rester.
En tout cas, ta Tata est bien contente pour le Ferey. En voilà un qui croule sous les honneurs et les ventes après des années de galère, mais ne change pas d'un iota, reste généreux, chaleureux, simple, amical et déconneur... et ne va pas se la péter comme certains dont on oubliera aussi vite le nom que les écrits, ne retenant que leur prétention bouffie.